Quotidien

Fin d’hiver

L’air bruissant de pépiements
et la lumière dorée
de cette après-midi de fin d’hiver
semblent vouloir faire mentir
la silhouette encore nue
des arbres.
Ce matin, pourtant,
le givre glaçait
les herbes du coteau
et le sol aurait crissé sous nos pas,
si nous en avions pris le chemin…

Entre deux buttes tapissées de lierre
et de jeunes violettes,
pour le parfum desquelles
nous approchons nos visages
à quelques millimètres du sol
– et alors elles nous caressent
de leurs menues feuilles fraîches –, nous partons à l’assaut de la colline
et de ses champs.

Dans notre dos s’étend la plaine,
ses noyers, ses bâtisses,
ses routes – et loin, loin vers l’horizon, la ligne des bois
puis celle des montagnes.

A un coude du chemin, derrière
la clôture – piquets de châtaigniers
et vieux barbelés tout emmêlés
de ronces – j’aperçois soudain
un immense buisson d’aubépines.
Ses arches épineuses lancent leurs courbes vers les nues, et de petits fruits rouges orangés se détachent
sur le bleu du ciel : des cynorrhodons !

Sans hâte, pour ne pas nous blesser sur les barbelés, mais le cœur battant, nous glissons au ras du sol pour entrer dans le champ. Des herbes folles et splendides se courbent sous nos pas dans un bruissement de soie, de majestueux chardons nous obligent à quelques détours… Enfin, nous y sommes ! Les cynorrhodons, que nous ne pourrions manger si le gel de l’hiver ne les avait attendris, sont à notre portée. Comme les mûres à la fin de l’été, ils se méritent, et les branches jalouses qui les portent impriment à nos mains quelques légères griffures.

Il faut ensuite, savamment, extraire du fruit la pulpe rouge et acidulée, sans y mêler les petites graines ni les poils minuscules qui lui valent le sobriquet de « gratte-cul » ! Cette découverte langagière fait la joie des petit.e.s aventuriers.ères, émerveillé.e.s par cette gourmandise offerte, permise, amusante autant que délicieuse…

La boîte à goûter se remplit, et, notre butin en poche, les doigts collants et colorés, nous dévalons maintenant le champ au pas de course, ivres d’air et de lumière, avec la secrète certitude qu’à chaque enjambée, nous allons nous envoler dans la fraîcheur du crépuscule…

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